POLYHANDICAP EN FRANCE
80% des enfants polyhandicapés sont déscolarisés en France
QUELQUES RAPPELS SUR LE POLYHANDICAP
Selon le décret de 2017, le polyhandicap se définit comme une « Situation de vie spécifique d’une personne présentant un dysfonctionnement cérébral, précoce ou survenu en cours de développement, ayant pour conséquence de graves perturbations à expressions multiples et évolutives de l’efficience motrice, perceptive, cognitive et de la construction des relations avec l’environnement physique et humain (...)". Ainsi, les enfants polyhandicapés présentent des difficultés multiples et complexes qui influent sur leur développement.
Ce sont des enfants présentant une dépendance sensiblement importante et qui connaissent souvent des troubles médicaux variés et plus ou moins envahissants.
Toutefois, on constate une très grande variabilité de profils parmi les enfants polyhandicapés, avec des atteintes des différents champs de compétences très différentes : certains peuvent acquérir la marche, d'autres ont besoin de soins médicaux très renforcés, d'autres pourront accéder au langage oral et certains présentent des troubles de la série autistique.
Ce qu'il faut uniquement admettre, c'est que plus le handicap est important, plus c’est à l’environnement de s’adapter à l’enfant, afin de lui permettre de progresser. Peu importe le profil de l'enfant, l'essentiel est de pouvoir lui proposer un accompagnement adapté à SES besoins, sans se focaliser sur une généralisation faite autour du "type de handicap" dans lequel il peut être enfermé.
On ne peut réduire à un enfant à son handicap.
Polyhandicap ou non, ces enfants ont les mêmes droits que les autres et disposent de potentiels à exploiter.
C'est un enjeu crucial pour ces enfants et un droit fondamental que d'avoir accès à une scolarisation.
Notre philosophie part du simple constat que, malgré la lourdeur du handicap, tous les enfants ont un potentiel d'apprentissage leur permettant d'acquérir plus d'autonomie, d'autodétermination et d'amélioration de leur qualité de vie.
CE QUI EXISTE
Aujourd’hui, sur le temps scolaire, les enfants polyhandicapés peuvent être inclus en écoles ordinaires. En moyenne, cette inclusion dure 2-3 années et ne représente que quelques heures hebdomadaires, avec présence d'un accompagnant d'enfant en situation de handicap (AESH).
Ils peuvent aussi rejoindre des structures spécialisées (IME : Institut Médico-Educatif ; IEM : institut d'Education Motrice ; ou encore EEAP : Etablissement pour Enfants et Adolescents Polyhandicapés) où ils sont accueillis dans des petits groupes, encadrés le plus souvent par des éducateurs spécialisés et des aides médico-psychologiques.
Ces places sont limitées et certain enfants attendent des années pour y être admis. Un maintien à domicile avec coordination des soins est alors proposé en attente d'une place.
Dans ces établissements, sont regroupés sur un même lieu les soins qui leur sont nécessaires (kinésithérapie, psychomotricité, ergothérapie, orthophonie…) et des activités à but éducatif. Parfois, ces postes de rééducation sont en nombre insuffisant et ne permettent alors pas d'offrir aux enfants la prise en charge correspondante à leurs besoins.
Certains de ces établissements bénéficient d'unités d’enseignement (UE) dans lesquelles des enseignants spécialisés (détachés par l’Education Nationale) font la classe, dans des locaux adaptés, sur des temps adaptés, aux enfants qui peuvent y accéder.
Les enseignants spécialisés ayant fait l’expérience de ces rares dispositifs témoignent des progrès que les enfants polyhandicapés peuvent faire, sous réserve de veiller à adapter les conditions d’apprentissage.
On parle d'unité d'enseignement INTERNALISEE (UEI) si celle-ci est intégrée au sein de l'établissement ou service spécialisé ou d'unité d'enseignement EXTERNALISEE (UEE) si elle est implantée au sein d'une école ordinaire.
Il faut bien sûr que l’enseignant fasse un choix dans les objectifs d’apprentissage, accueille les enfants en tout petits groupes (pas plus de 6) et dans un cadre ritualisé (afin que les enfants trouvent des repères rassurants).
Une installation adaptée de chaque élève est indispensable afin que leur corps ne soit pas inconfortable ou douloureux, et que l’enfant puisse mobiliser toute son attention sur les apprentissages. Enfin, il convient de tenir compte des difficultés spécifiques des élèves (par exemple : capacités mnésiques limitées, fatigabilité, motricité entravée…) et individualiser les apprentissages.
Cependant, 80% des enfants polyhandicapés sont déscolarisés en France (ayant moins de 15 minutes en présence d’un enseignant dans son emploi du temps hebdomadaire), faute de place en institution ou de mise à disposition d'enseignant ou même de considération de possibles apprentissages. Les unités d'enseignement sont très rares dans les établissements pour enfants polyhandicapés français, et même quand elles existent, elles ne permettent pas de dispenser un enseignement à tous les enfants.
Il est essentiel pour le développement psychique, physique, et l'épanouissement de ces enfants, de pouvoir avoir accès à des apprentissages quels qu'ils soient et dans différents domaines de compétences (cognitif, moteur, communication, habiletés sociales, oralité, sensoralité, scolarité, vie quotidienne...).
Il est maintenant admis que "malgré des limitations fonctionnelles importantes et intriquées, la personne polyhandicapée présente des capacités d'apprentissage qui doivent être sollicitées pour être évaluées, maintenues et stimulées tout au long de la vie"
(HAS, recommandations de bonnes pratiques, 3 nov. 2020).
Les données actuelles sur des modèles éducatifs, sur des méthodes d'apprentissages et de rééducation et des modalités d'interventions venant de toute l'Europe, associées aux études scientifiques émergeantes, viennent renforcer les connaissances sur la prise en charge des enfants souffrant de polyhandicap.
Un enfant avec des particularités sensibles, lourdes et complexes, mais à qui on ne peut ôter ses droits sous couvert de la gravité de son état.
Les enfants handicapés ont les mêmes droits que les autres en matière d’éducation et de scolarisation.
Le Groupe Polyhandicap Bretagne (GPB) a rédigé une synthèse sur ces droits dans leur livret « Vers une scolarisation sur mesure pour les enfants en situation de polyhandicap »
LES ENGAGEMENTS DE LA FRANCE
La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (2006), ratifiée par la France en 2010, reconnaît « le droit des personnes handicapées à l’éducation (…) sans discrimination et sur la base de l’égalité des chances ».
La loi du 8 juillet 2013 sur l’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République (art L 111-1) « reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser » et proclame « l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction ».
L’existence de ces textes constitue un grand pas en avant car ils admettent l’éducabilité des personnes polyhandicapées, mais leurs besoins spécifiques ne sont pas encore pris en compte.
Si aujourd’hui l’école a l’obligation d’inscrire tous les enfants, elle n’a aucune obligation de les accueillir au quotidien et, de fait, elle n’en a pas toujours les moyens. Or scolariser des enfants polyhandicapés nécessite non seulement des moyens humains, mais aussi des locaux et des outils pédagogiques adaptés. Cela nécessite également une formation adaptée des enseignants et des ressources spécifiques à diffuser sur les processus d'apprentissage de ces enfants.
Enfin, parce que l’enfant polyhandicapé présente des troubles multiples et complexes ainsi que des besoins très spécifiques, il impose une volonté et des moyens de communication entre enseignants, parents, et avec tous les intervenants qui gravitent autour de lui (médecins, rééducateurs).
Ainsi, ce n’est pas à l’enfant d’être « inclus » dans le système scolaire, mais à l’école d’être inclusive et de s’adapter aux besoins spécifiques des enfants.
Le gouvernement a décidé d'agir en lançant en 2016 un grand "Volet National Polyhandicap" dans le cadre de sa stratégie quinquennale de l'offre médico-sociale.
Composé de 25 fiches d'actions, ce grand plan national devrait permettre de réajuster l'accompagnement des personnes polyhandicapées en France. De nombreuses fiches d'actions viennent appuyer les questions de soins, de rééducation, de besoin de communication, de scolarisation et d'apprentissage chez ce public lourdement handicapé. La fiche n°15 est, quant à elle, dédiée à cette question de la scolarisation.
En septembre 2020, un cahier des charges "Unités d'Enseignement (UE) Polyhandicap" a été publié, précisant la volonté du gouvernement de "scolariser les enfants en situation de Polyhandicap" et reconnaissant ce droit à la scolarisation.
Le passage de ces textes de lois et publications officielles à l'application concrète est attendu avec impatience par l'ensemble des acteurs (enfants, familles, professionnels, établissements et services...). Espérons que cela se fasse le plus rapidement possible avec notamment la levée de moyens nécessaires à une mise en oeuvre cohérente et pertinente sur l'ensemble du territoire français.